PHYSIOLOGIE
LA NEUROLOGIE :
L’ostéopathie souffre encore de son image d’Epinal, la manipulation articulaire. La femme enceinte présente comme tout le monde, un bassin osseux ou articulaire, mais surtout elle présente à son fœtus un milieu environnant. Il faut donc quitter l’idée que l’on a de l’ostéopathie qui « remet droit » le bassin pour l’accouchement. En premier lieu, si quelque chose n’est pas « droit » ou « déplacé », c’est assez grave et seul le chirurgien orthopédique peut apporter une solution, puisque un bassin ou une vertèbre, si elle est « déplacée » est luxée !!!
En revanche, le milieu environnant immédiat et parfois à distance de l’utérus peut avec une influence directe sur ce dernier et majorer des troubles fonctionnels qui sont souvent reconnus par notre cerveau comme ostéo-articulaires.
Pour expliquer cette mauvaise interprétation de notre cerveau, il faut comprendre la notion de convergence. Les nerfs issus et allant à nos viscères abdomino-pelviens sont si nombreux que si tous devaient un par un remonter à notre cerveau, notre moelle épinière serait grosse comme un tronc d’arbre. Ce n’est pas comme cela que ça marche.
En fait, au niveau de la moelle épinière, il existe des neurones qui regroupent les informations venant des viscères, artères, veines, os, peau, articulations, et muscles (ça en fait du monde !).
Ce schéma illustre la relation entre les muscles de l’appareil locomoteur et le viscère. Une stimulation viscérale peut avoir une répercussion sur le tissu somatique et réciproquement.
Irvin Korr5, nous propose ce petit schéma :
Schéma un peu complexe car il montre plusieurs boucles, mais il montre aussi que si on perçoit une douleur ou une gène, au niveau viscéral, cela peut entraîner un effet sur le muscle strié, provoquant par exemple des contractures dorsales ou lombaires (pour plus d’explication sur cette neurologie qui est à la base de l’ostéopathie, cliquez sur le lien).
Depuis notre enfance nous écoutons nos messages sensitifs venant de notre appareil locomoteur. Quoi de plus normal lorsqu’un nerf issu d’un viscère empruntant les mêmes voies neurologiques que celles qui nous donne l’information de notre dos ou bassin, de penser que le problème est au niveau du dos ou du bassin. C’est là toute la difficulté de l’ostéopathe, savoir d’où vient la douleur ou la gène ressentie à un endroit, alors que la cause peut en être parfois bien éloignée. Cela ne choque plus personne de penser au cœur lors d’une douleur au membre supérieur gauche, même parfois droit, alors pour est-ce donc difficile de penser au colon pour une douleur iliaque ! c’est quand même plus court comme chemin.
LE MILIEU ENVIRONNANT :
Cette notion neurologique abordée, on peut commencer à parler du milieu environnant.
D’abord peu d’anatomie :
L’utérus est un organe composé de plusieurs tuniques musculaires (le myomètre), d’une muqueuse (l’endomètre), accueillant le fœtus et il est comme tous les organes, enveloppé d’une séreuse, une sorte d’aponévrose ou encore une fine nappe de tissu (le périmètre).
Au fur et à mesure de la grossesse, le fœtus grandissant, l’utérus va lui aussi grandir.
A deux mois, l’utérus se trouve au niveau de la symphyse pubienne, à trois mois, il commence à être palpable, il fait 8 cm. Tous les mois, l’utérus gagne 4 cm pour qu’à 9 mois, il fasse 32 cm et se place sous les côtes.
La question devient alors, l’environnement utérin, permet-il cette croissance ?
L’utérus est recouvert, par un grand ligament, le ligament large. Ce ligament est pareil à une nappe posée sur une foule d’objet. La nappe dessine l’ensemble de tous les contours de ce qui se trouve situé sous elle. Ces objets sont des veines, des artères, les canaux allant des reins vers la vessie (uretères), les trompes, des ligaments liant l’utérus aux ovaires, au pubis ou encore au sacrum. Cette nappe fait donc des plis et des replis, dessine des fosses, des culs de sac, des reliefs, etc…
Sur ce schéma, on se rend compte que le péritoine est posé « comme un drap » sur les éléments anatomiques du petit bassin.
Au dessus de ce ligament large vient se placer une autre nappe tissulaire. Le péritoine. C’est une grande enveloppe de tissu, là encore comme une nappe posée sur l’ensemble de tous nos organes digestifs, et enveloppant une grande partie d’organes abdominaux pelviens. Il fait lui aussi des plis et des plis tout autour des masses viscérales.
N.B :
Dans cette description qui se veut simpliste, j’ai divisé la notion de péritoine et de ligament large. En fait les choses ne sont pas aussi simple, en effet, il s’agît de la même aponévrose qui prend deux noms différents. Cela réalise ce que nous appelons en ostéopathie un « continuum » tissulaire. Petite anecdote, dans un livre d’anatomie, j’ai retrouvé plus de 18 noms différents (en fonction de l’endroit) pour désigner ce fascia recouvrant, reliant, informant et nourrissant
En médecine, le praticien fait un toucher rectal pour voir s’il n’existe pas de liquide péritonéal au niveau d’un cul de sac, le cul de sac de Douglas. C’est la zone la plus basse du péritoine, elle trouve trouve en arrière de l’utérus, entre ce dernier et le rectum. Les adhérences peuvent être fréquentes au niveau de ces culs de sacs. Celui antérieur peut être particulièrement fibrosé en cas d’un nouvelle grossesse après une césarienne. Il y a alors des adhérences entre la vessie et la paroi antérieure de l’utérus. Physiologiquement, lors de la grossesse, la vessie a tendance à monter avec l’utérus pour se placer au dessus du pubis. Cela est encore plus vrai dans les grossesses après césarienne (voir après l’accouchement).
Pour terminer avec l’anatomie (succincte) qui nous intéresse, on va regarder la façon dont le péritoine se place au niveau de l’estomac et du foie.
Ce qui est en vert représente le péritoine. Il fait des pli et des replis autour de l’estomac, de l’intestin, du pancréas, du foie, de la rate, … Lorsque le fœtus grandit il doit pouvoir prendre sa place. Mots que l’on retrouve aussi en haptonomie d’ailleurs. Mais pour le moment restons au niveau des tissus. Il arrive pour des raisons divers que les divers feuillets de péritoine ne glissent pas suffisamment bien entre eux. L’utérus et le fœtus se trouvent donc contraint et par voie réflexe, l’utérus tend à se contracter.
Quand on regarde ces deux schémas, on se rend compte à quel point l’utérus peut grandir. C’est grâce à l’ensemble de toutes les surfaces de glissement formées par les plis et replis péritonéaux que l’utérus va pouvoir grandir dans son environnement.
PATHOLOGIE :
Ces 2 notions abordées (neurologie et milieu environnant), tentons d’expliquer deux motifs de consultation assez fréquents :
- Le ventre est trop dur, le bébé appui et semble trop bas, le col commence à s’ouvrir, la menace d’accouchement prématuré.
- J’ai mal au dos, j’ai une douleur de type sciatique, je ne peux plus me lever et mes jambes sont des « poteaux ».
LA MENACE D’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ (M.A.P) :
Comme toujours avant de lire ces lignes il faut une mise en garde. On peut avoir une menace d’accouchement prématuré pour des causes médicales, et pour lesquelles l’ostéopathie ne peut rien faire. Avant de voir un ostéopathe, il est nécessaire de consulter l’équipe qui vous suit, pour que le médecin (gynécologue-obstétrique) fasse un diagnostic différentiel. Si le médecin ne trouve pas de cause médicale, alors l’ostéopathie peut être une indication.
L’utérus est très sensible aux variations de notre système neurovégétatif ou système nerveux autonome. C’est le système qui s’occupe de la régulation de notre milieu intérieur. Si effectivement le stress ou certaines émotions peuvent, comme le souligne J.P Relier1, provoquer une menace d’accouchement prématuré, le manque de glissement de ces feuillets péritonéaux et certaines adhérences comme on peut en retrouver dans les colopathies2, ou dans les suites opératoires3, peuvent, elles aussi, stimuler ce système neurologique4 particulièrement important.
Dans ces dessins tirés du Netter, on remarque que l’innervation de l’utérus, est mixte. Une partie émerge de la colonne au niveau de la charnière dorso-lombaire, une autre partie, au niveau du sacrum. Cette charnière dorso-lombaire peut en cas de grossesse être mécaniquement malmenée, par les modifications de masse corporelle (plus de poids en avant, le dos se penche vers l’arrière), mais aussi par les feuillets péritonéaux qui n’assurent plus leur rôle de surface de glissement. L’utérus du fait de ces accolements péritonéaux, se trouve contraint dans sa croissance et ne plus que s’expandre vers le bas.
Les effets de la contraction musculaire sur le fœtus :
Ce qui suit n’est pas destiné à faire peur, mais donner de l’information. Il est normal pendant la grossesse que l’utérus se contracte, mais il doit aussi pouvoir se relâcher. Il ne faut pas oublier que l’utérus a 9 mois pour se préparer au « marathon » qui l’attend !
Considérons deux éléments :
La vascularisation,
Les phénomènes de pression.
La vascularisation :
Les tuniques musculaires de l’utérus (au nombre de 4) sont disposées de telle façon que le fœtus puisse être guidé dans sa descente. Cependant, une de ses couches (appelée couche vasculaire) est parcourue par un entrelacis veineux. Or, la disposition anatomique fait que lors de la contraction musculaire, la lumière (partie creuse d’un tube - d’une veine en l’occurrence -) diminue. Ce qui est pratique car ce dispositif évite les hémorragie de la délivrance (après la naissance du bébé, le placenta se détache), mais en contrepartie, les contractions trop intenses ou trop longues ont un retentissement sur la vascularisation du placenta.
Sur cette vue, on comprend facilement ce que la contraction musculaire implique au niveau veineux, la limitation du débit.
Les phénomènes de pression :
L’idée selon laquelle, le fœtus dans son enceinte aqueuse serait exempt de contraintes liées aux augmentations de pression lors d’une contraction utérine est fausse. Le Pr Amiel-Tison (neuro-pédiatre) explique que : "La pression intra-utérine agissant sur le crâne fœtal provoque sa déformation… Le degré de déformation dépend des facteurs suivants :
- Le degré de pression,
- La durée de pression
- La résistance du crâne,
- Le site crânien où agit la pression,
- L’étendue de l'aire où la pression est impliquée7. »
La même auteure précise que l’accouchement est la suite logique de la grossesse et qu’un crâne déjà modelé (déformation du crâne du fœtus par chevauchement des plaques osseuses) par la vie utérine ne peut se modeler encore plus pour l’accouchement. Ce qui explique bien des césariennes en cours de travail7.
Reprenons un instant tout ce qui vient d’être dit :
➥ L’utérus pendant la grossesse augmente de volume, à 3 mois il est au niveau du pubis, à 9 sous les côtes.
➥ Cette expansion est possible parce qu’une grande enveloppe (le péritoine) qui fait plis et replis autour des masses viscérales accompagne cette croissance.
➥ L’utérus est innervé par des nerfs dorso-lombaires et pelviens (sacrés)
➥ Pour des raisons diverses et variées, il arrive que le péritoine n’offre plus les surfaces de glissement suffisantes pour que le milieu environnant à l’utérus s’adapte suffisamment.
➥ Les tissus digestifs, provoquent mécaniquement des contraintes au niveau de la charnière dorso-lombaire (là où sortent les racines nerveuses allant vers l’utérus).
➥ L’utérus freiné dans sa croissance vers le haut est contraint vers le bas.
➥ Il met alors en tension les aponévroses et péritoine du petit bassin dans lesquels chemine le plexus hypogastrique (réseau nerveux particIpant à l’innervation du petit bassin et de l’utérus).
➥ L’utérus est stimulé en contraction par toutes ses fibres, il est contraint vers le bas, c’est la menace d’accouchement prématuré.
L’ostéopathe avec sa façon d’écouter les tissus et de les mobiliser peut arriver à restituer les plans de glissement péritonéaux et permettre au milieu environnant de moins contraindre cet utérus. Evidemment, plus le traitement est entrepris tôt, meilleurs sont les résultats, cependant il n’est jamais trop tard pour consulter.
LA SCIATIQUE DE LA FEMME ENCEINTE :
La femme enceinte du fait de l’expansion de l’utérus et des modifications du milieu environnant peut en effet présenter des signes de sciatalgies. En revanche elle peut aussi avoir comme tout le monde des sciatiques d’origine discale (cf sciatique d’origine discale).
Regardons comment se présente l’anatomie vasculaire du petit bassin. L’aorte et la veine cave inférieure se divisent au niveau lombaire et descendent dans la cavité pelvienne.
Légende :
En bleu : Les veines
En rouge : les artères
En jaune : les racines nerveuses
En vert : les ligaments et aponévroses du bassin
Sur ces schémas, il est intéressant de noter la proximité entres les plans vasculo-nerveux et les ligaments et aponévroses du petit bassin.
L’artère iliaque interne se divise en de multiples branches, dont une va vasculariser l’utérus. Les veines iliaques internes ramènent le sang utilisé par les organes du petit bassin vers la veine cave inférieure. La veine sacrée moyenne participe au retour veineux des nerfs qui sortent du sacrum, à savoir les nerfs sciatiques et les nerfs allant inerver les organes du petit bassin, dont l’utérus.
Le principe est toujours le même. Le péritoine doit pouvoir accompagner l’utérus dans son ascension. Toutes adhérences ou frein pourra avoir un retentissement sur les structures vasculaires et neurologique du petit bassin.
On peut alors évoquer une gène vasculaire veineuse, provoquant des stases et un manque de drainage. On se retrouve alors dans le cas clinique décrit dans la lombalgie commune (cf lombalgie commune). Ou bien une compression artérielle, allant soit vasculariser, les racines nerveuses (très riches à cet endroit) ou bien la vessie, le vagin ou l’utérus (possible souffrance utérine ou manque de prise de poids du fœtus).
Ces compressions ou étirements péritonaux peuvent aussi perturber la dynamique nerveuse et provoquer des douleurs de type sciatiques, ou névralgie du nerf obturateur (douleur face interne de cuisse).
EN CONCLUSION :
➥ On est bien loin du cas, ou « remettre le bassin en place » peut apporter une solution. Il s’agît de comprendre ce qui perturbe le développement utérin lors de sa croissance. L’ensemble des masses viscérales, déplacées et refoulées permettent-elles, au travers des plans de glissement qu’offre le péritoine, la juste croissance utérine ?
➥ Le péritoine peut, par ses adhérences, gêner la prise de volume en hauteur de l’utérus. Il se trouve alors comprimé vers le bas, ou bien ses mêmes adhérences peuvent avoir une action locale sur le petit bassin, perturber les dynamiques vasculaires et nerveuses. Dans les deux cas, (en haut ou en bas) il peut y avoir des contraintes articulaires perturbant les racines nerveuses allant à l’utérus.
➥ Pour terminer, sur cette dernière image on peut voir l’ensemble des aponévroses (dont le péritoine) recouvrant les éléments anatomiques du petit bassin. On imagine facilement qu’une tension de ces membranes puisse alors avoir des effets sur le contenu.
1. Relier JP. L’aimer avant qu’il naisse. Réponse. Robert Lafont, 2006.
2. Cellier C, Cervoni JP, Barbier JP, Brousse N. Adhérence cellulaire et maladies inflammatoires chroniques intestinales. Gastroentreol Clin Biol 1997;21:832-842.
3. Canis M, Botchorishvili R, Wattiez A, Rabischong B, Houlie C, Mage G, Pouly JL, Manhes H, Bruhat MA. Prévention des adhérences péritonéales. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2001;30:305-324.
4. Mei N. La sensibilité viscérale. Tec&Doc Lavoisier. Éditions médicales internationales, 1998.
5. Korr I.M. Bases physiologiques de l’ostéopathie. 209p. Frison Roche, 2009.
6. Kamina. Précis d’anatomie clinique. Tome 4. Maloine, 2005.
7. Amiel-Tison C, Cabrol D, Shnider S. Sécurité de la naissance à terme. In : Amiel-Tison C, Stewart A. L’enfant nouveau-né, un cerveau pour la vie. INSERM. 1995. 109-169